Hommage à Daniel Vernet

21 févr. 2018
  • Foto: © Philipp Rothe

Frappé brutalement par une attaque cérébrale en rentrant à son domicile parisien, le 16 février, Daniel Vernet, journaliste, analyste et lanceur d'idées, nous quitte en pleine activité, à l'âge de 72 ans. Il avait encore participé le jour-même aux travaux du cercle de réflexion consacré aux relations franco-allemandes, soutenu par l'Institut français des relations internationales (IFRI) et la fondation allemande Genshagen, intervenant avec son sens de la mise en perspective dans la discussion sur les propositions à faire pour renouveler le traité de l'Elysée.

Avec Daniel Vernet disparaît non seulement le représentant d'une tradition du Monde, journal où il a effectué l'essentiel de sa carrière, mais aussi d'une tradition journalistique au sens plus large, plus attachée à comprendre, à éclairer, à faire partager ses analyses, qu'à vouloir à tout prix créer l'évènement ou toucher émotionnellement. Une tradition fortement marquée par la période de refondation de la presse après la guerre, en rupture avec l'époque d'avant-guerre où beaucoup de journaux étaient surtout des vecteurs d'opinion politique, ou même des brûlots vengeurs. Cette période, qui fut aussi celle de l'apparition de la télévision, porte la marque de quelques grands noms, comme celui de Hubert Beuve Méry, le fondateur du Monde, ou de François Régis Hutin, l'ancien président et éditorialiste de Ouest-France, le plus grand quotidien français.

Pour cette génération marquée par l'après-guerre, par l'espoir de voir émerger un monde plus solidaire, le débat politique s'inscrit dans une perspective internationale plus large, marqué d'abord par la guerre froide, la décolonisation et la reconnaissance par l'Europe qu'elle n'est plus le centre de l'univers. Correspondant du Monde en Allemagne dans les années 70, à l'époque où la jeune démocratie de l'Allemagne de l'Ouest est mise au défi par les terroristes de la Bande à Baader, puis en Union soviétique, dans le Moscou de l'époque brejnévienne, de Soljenitsyne et des bras de force nucléaires soviéto-américains, enfin à Londres, Daniel Vernet vit au premier plan la lente maturation des nouveaux équilibres mondiaux et de la nouvelle Europe occidentale en cours de construction. Il rentre en 1983 à Paris pour diriger le secteur Europe, au sein du service international au Monde, sous la direction de Jacques Amalric. Entre le service international et le service politique, la lutte pour la prééminence éditoriale dans le journal est alors féroce. Daniel Vernet devient le rédacteur en chef puis le responsable de la rédaction du journal et le reste jusqu'en 1991, date à laquelle il est réélu par la rédaction mais désavoué par les grands actionnaires qui lui préfèrent l'économiste Jacques Lesourne pour redresser les finances du journal. Il repart en voyage, parcourant la planète comme chef des relations internationales et éditorialiste, devenant la figure du grand quotidien à l'international.

Après son départ en 2009, il fonde avec Thomas Ferenczi un site Internet d'analyses internationales, Boulevard Extérieur. Toujours plein d'entrain, il prend part à de nombreux débats sur l'Europe et en particulier sur les relations franco-allemandes. En tant que membre du groupe de réflexion franco-allemand, il est régulièrement invité au château de Genshagen. Avec Daniel Vernet, la France et l'Allemagne perdent l'un des grands analystes sages et clairvoyants de leurs relations bilatérales en Europe.

  • Foto: © Philipp Rothe

Frappé brutalement par une attaque cérébrale en rentrant à son domicile parisien, le 16 février, Daniel Vernet, journaliste, analyste et lanceur d'idées, nous quitte en pleine activité, à l'âge de 72 ans. Il avait encore participé le jour-même aux travaux du cercle de réflexion consacré aux relations franco-allemandes, soutenu par l'Institut français des relations internationales (IFRI) et la fondation allemande Genshagen, intervenant avec son sens de la mise en perspective dans la discussion sur les propositions à faire pour renouveler le traité de l'Elysée.

Avec Daniel Vernet disparaît non seulement le représentant d'une tradition du Monde, journal où il a effectué l'essentiel de sa carrière, mais aussi d'une tradition journalistique au sens plus large, plus attachée à comprendre, à éclairer, à faire partager ses analyses, qu'à vouloir à tout prix créer l'évènement ou toucher émotionnellement. Une tradition fortement marquée par la période de refondation de la presse après la guerre, en rupture avec l'époque d'avant-guerre où beaucoup de journaux étaient surtout des vecteurs d'opinion politique, ou même des brûlots vengeurs. Cette période, qui fut aussi celle de l'apparition de la télévision, porte la marque de quelques grands noms, comme celui de Hubert Beuve Méry, le fondateur du Monde, ou de François Régis Hutin, l'ancien président et éditorialiste de Ouest-France, le plus grand quotidien français.

Pour cette génération marquée par l'après-guerre, par l'espoir de voir émerger un monde plus solidaire, le débat politique s'inscrit dans une perspective internationale plus large, marqué d'abord par la guerre froide, la décolonisation et la reconnaissance par l'Europe qu'elle n'est plus le centre de l'univers. Correspondant du Monde en Allemagne dans les années 70, à l'époque où la jeune démocratie de l'Allemagne de l'Ouest est mise au défi par les terroristes de la Bande à Baader, puis en Union soviétique, dans le Moscou de l'époque brejnévienne, de Soljenitsyne et des bras de force nucléaires soviéto-américains, enfin à Londres, Daniel Vernet vit au premier plan la lente maturation des nouveaux équilibres mondiaux et de la nouvelle Europe occidentale en cours de construction. Il rentre en 1983 à Paris pour diriger le secteur Europe, au sein du service international au Monde, sous la direction de Jacques Amalric. Entre le service international et le service politique, la lutte pour la prééminence éditoriale dans le journal est alors féroce. Daniel Vernet devient le rédacteur en chef puis le responsable de la rédaction du journal et le reste jusqu'en 1991, date à laquelle il est réélu par la rédaction mais désavoué par les grands actionnaires qui lui préfèrent l'économiste Jacques Lesourne pour redresser les finances du journal. Il repart en voyage, parcourant la planète comme chef des relations internationales et éditorialiste, devenant la figure du grand quotidien à l'international.

Après son départ en 2009, il fonde avec Thomas Ferenczi un site Internet d'analyses internationales, Boulevard Extérieur. Toujours plein d'entrain, il prend part à de nombreux débats sur l'Europe et en particulier sur les relations franco-allemandes. En tant que membre du groupe de réflexion franco-allemand, il est régulièrement invité au château de Genshagen. Avec Daniel Vernet, la France et l'Allemagne perdent l'un des grands analystes sages et clairvoyants de leurs relations bilatérales en Europe.